Chapitre 5: Polarisation des transistors  

1.      Nécessité de la polarisation :

a)   Notre transistor, pour fonctionner, a besoin d'être “polarisé”. Cela signifie qu'on doit appliquer sur ses connections les tensions correctes et en amplitude et en polarité pour qu'il effectue la fonction qu'on lui demande. Quand nous parlons de polarisation, nous parlons uniquement de tensions continues, et ce sont ces tensions “continues” qui vont permettre le fonctionnement correct en alternatif. Quand nous utiliserons la fonction amplification par exemple, nous appliquerons un signal alternatif à l'entrée et nous le récupérerons agrandi à la sortie, ceci ne sera possible que si les tensions continues sont présentes. 

b)      La polarisation va nous permettre de régler le transistor dans sa fonction amplification de manière à ce que le signal de sortie soit rigoureusement (ou presque) identique au signal d'entrée (même allure mais pas même amplitude!). Son point de fonctionnement est alors près du point milieu de la droite de charge statique. Si c'est le cas on dira que notre transistor amplifie linéairement  

2.      La polarisation fixe (ou de base)

La première des polarisations. Habituons nous à cette nouvelle représentation schématique qui sera définitive. Le rail supérieur représente la tension positive d'alimentation notée VCC, le rail inférieur représente la référence ou 0V, c'est à dire la masse.

 

VCC = RB x IB + VBE 

Si b augmente alors IC (IC = b IB) augmente aussi è RC x IC augmente 

Comme VCE = VCC – RC IC, alors VCE diminue. Le point de fonctionnement se déplace inexorablement vers le point de saturation. 

Dans ce type de montage il est impossible de stabiliser le courant de repos (le courant permanent qui circule du collecteur vers la masse) de manière définitive, la moindre variation de température entraîne une augmentation de b et du courant. Aussi utilisera-t-on ce type de polarisation pour faire fonctionner le transistor en tout ou rien, c-à-d en commutation. 

Base à la masse, la jonction B-E n'est pas polarisée, le transistor est bloqué et aucun courant ne circule, VCE est égal à la tension d'alimentation. 

Base au plus par l'intermédiaire d'une résistance, la jonction B-E est polarisée, le courant IC atteint le courant de saturation, VCE est très proche de VCC. 

3.      Polarisation par réaction d'émetteur :

Le plus gros problème contre lequel nous devons lutter pour polariser correctement un transistor utilisé en amplificateur linéaire est la variation du gain en courant b avec les variations de température. Le moindre petit courant circulant dans le transistor entraîne un échauffement. Ceci se traduit par une augmentation du courant IC. Cette variation de IC entraîne une variation de VCE puisque la chute de tension aux bornes de la résistance de collecteur est proportionnelle à IC. Tout ceci conduit au déplacement du point de repos Q du transistor.

 

L'idéal serait de trouver un système permettant d'annuler ces variations, voire de les compenser. La résistance d'émetteur jouera le rôle de contre-balancement de l’effet de l’augmentation de b. 

VCC = RE x IE + VBE + RB x IB 

Si b augmente alors IC (IC = b IB) augmente aussi è RC x IC augmente 

IE (IE = IC + IB) augmente aussi è RE IE augmente 

RB IB diminue d’où diminution de IB. 

Plus RE est grande, plus le courant de base va diminuer si b augmente mais il y a un compromis à faire car : 

VCC = RE IE + VCE + RC IC 

Si RE est grande et que b augmente alors VCE diminue. Le point de fonctionnement se déplace dans la zone de saturation. La polarisation d’émetteur reste sensible à la variation de b. 

Important : 

Nous venons de voir le rôle capital de la résistance d'émetteur, ceci sera une constante et vous la retrouverez dans pratiquement toutes les polarisations 

Passons à la pratique:

Tracer la droite de charge et calculer le point de fonctionnement du transistor pour b = 100 puis pour b = 300. Que conclure ? 

Rappelons que la tension d'alimentation = VCC et que nous pourrons assimiler IC à IE tant la différence entre ces courants est minime (à IB près).

Calculons IC : nous pouvons écrire la relation suivante :  

VCC - (RC IC + VCE + RE IE) = 0 (voir schéma suivant)

 

Après réarrangement il vient : 

VCC – VCE

IC = -----------------

RC + RE 

Voyons ce que cela donne sur la droite de charge, en prenant pour la déterminer, nos deux points habituels, à savoir le point de blocage quand IC = 0 et le point de saturation quand IC n'est plus limité que par les résistances du circuit (VCE = 0), Il vient :

Pour IC = 0 nous avons VCC = VCE = 15 V

Pour VCE = 0, IC = VCC/ RC + RE = 15 / (910 + 100) = 14.9 mA (VCES = 0) 

Traçons :

 

VCC = RB IB + VBE + RE IE avec IB = IC / b et IE = (b + 1) (IC / b) 

IC = b x (VCC – VBE) / (RB + (b + 1) RE) 

Pour b = 100, IC = 3.25 mA è VCE = 11.7 volts 

Pour b = 300, IC = 9.32 mA è VCE = 5.66 volts 

Cette variation de courant est inacceptable. 

Avantages et inconvénients de cette méthode de polarisation : 

Nous avons obtenu une meilleure stabilisation de notre point de repos sur la droite de charge, toutefois ceci n'est pas tout à fait satisfaisant car une grande variation du gain en courant du transistor entraîne encore trop de variation du courant IC. Ce n'est pas encore le montage idéal. 

4.      Polarisation automatique ou par réaction de collecteur 

On la retrouve assez souvent car elle est économe en composants et fournit de bons résultats.

 

La résistance de base RB est ramenée au collecteur plutôt qu’à l’alimentation, c’est ce qui diffère la polarisation de collecteur de la polarisation de base. 

Que se passe-t-il si b varie ? Si b augmente alors le courant IC augmente. Quand IC croît, la chute de tension RC IC augmente également diminuant par-là même la tension aux bornes de RB ce qui provoque une diminution de IB donc une diminution de IC. Bref ça régule. 

Calculons les tensions (en regardant le schéma pour nous aider) côté base, nous pouvons écrire : 

VCC = RC (IC+IB) + RB IB + VBE) 

Nous savons que IC est sensiblement égal à IE et que b IB = IC 

Nous pouvons écrire que :  

      VCC – VBE

IC = ------------------

     RC + (RB/b) 

Nous retrouvons la même équation que pour la polarisation précédente. Toutefois si mentalement nous réduisons RB à 0, ce qui revient à mettre un court-circuit, nous constatons que VCE = VBE soit 0.6-0.7V. C'est ce qui explique qu'on ne puisse pas saturer le transistor dans ce type de montage, VCE ne pouvant jamais descendre sous 0.7 V. 

Dans ce type de montage, pour stabiliser le point de fonctionnement Q au milieu de la droite de charge, nous appliquerons la relation suivante :

RB = b RC

Exemple pratique

Tracer la droite de charge et calculer le point de fonctionnement du transistor pour b = 100 puis pour b = 300. Que conclure ?

 

VCC = RC IC + VCE 

IC = 0 è VCEB = VCC = 15 volts 

VCE = 0 è ICS = VCC / RC = 15 / 1 K = 15 mA 

Pour b = 100 è IC = (VCC – VBE) / (RC + (RB/b)) = 4.77 mA, VCE = 10.2 volts 

Pour b = 300 è IC = (VCC – VBE) / (RC + (RB/b)) = 8.58 mA, VCE = 6.42 volts 

 

Avantages et inconvénients de cette méthode de polarisation : 

Lorsque b varie du simple au triple, IC double à peine. Le point de fonctionnement Q se comporte mieux qu’en polarisation par réaction d’émetteur. Le point de repos est mieux stabilisé, mais on constate encore que le gain en courant du transistor intervient dans le réglage du courant de repos. Ce montage cependant évite la saturation du transistor. 

5.      Polarisation par pont diviseur ou polarisation universelle ou en H

C'est le montage le plus classique, on le retrouve partout. Cette fois la tension polarisant la base est fournie par un pont diviseur formé par deux résistances, l'émetteur voit une résistance RE (revoyez plus haut l'importance de cette résistance sur l'effet régulateur), le collecteur est chargé par une résistance RC. Dans ce montage, le courant de repos est totalement indépendant du gain en courant b du transistor. Voyons comment.

 

Théorème de Thévenin : Le circuit ci-dessus est équivalent au suivant : 

 

Où : 

RTH = R1 R2 / (R1 +R2) (Charge débranchée, source Vcc en court-circuit) 

VTH = (VCC x R2) / (R1 + R2) (Charge débranchée, source présente) 

Équation de la droite d’attaque : 

VTH = RTH IB + VBE + RE IE        (1) 

Si b est grand alors IC = IE 

VTH = RTH (IC/b) + VBE + RE IC 

VTH – VBE = ((RTH/b) + RE) IC 

IC = (VTH – VBE) / (RE +(RTH/b)) 

Si RE > (RTH/b), RE = 100 (RTH/b) par exemple, alors : 

IC = (VTH – VBE) / RE est indépendant de b 

Calcul des résistances R1, R2, RC et RE sachant que b = 90, VCC = 30V et IC = 4 mA 

1)        IC = 4 mA

VCE = VCC/2=30/2=15V 

2)        Règle du dixième

VE=VCC/10=30/10=3V

b=90 è IC=IE

VE=RE x IE = RE x IC è RE=VE/IC=3/4mA=750W

VRC=VCC-VCE-VE=30-15-3=12V

RC x IC=12V è RC=12/IC=12/4mA=3000W 

3)        Pour que IC soit indépendant de b, Il faut que RE soit grand devant RTH/b

RE = 100 (RTH/b) è RTH= 0.01bRE=0.01 x 90 x750 = 675 = R1 x R2 / (R1 + R2)

VCC x R1 / (R1 + R2)=V1

VCC x R2 / (R1 + R2)=V2 

è V1/V2=R1/R2 

V2 = VB = VE + 0.7 = 3 + 0.7 = 3.7 V

V1 = VCC – V2 = 30 – 3.7 = 26.3 V 

è R1 / R2 = 7.12 è R1 = 7.12 R2 

RTH = 7.12 R2 x R2 / (7.12 R2 + R2) = 675

7.12 R2 x R2 / 8.12 R2 = 675

7.12 R2 / 8.12 = 675

0.88 R2 = 675 è R2 = 675 / 0.88 = 767 W (R2 = 750 W normalisée)

R1 = 7.12 R2 = 7.12 x 750 = 5340 W (R1 = 5.3 KW normalisée) 

Calcul des courants et tensions 

Examinons le pont diviseur R1-R2 : 

Pour déterminer la tension sur la base du transistor, il faut calculer le courant qui circule dans R1+R2 puis à multiplier ce courant par R2, on obtient ainsi la chute de tension aux bornes de R2. 

            R2

VB = --------------- VCC

        R1 + R2 

Bon, nous avons une tension fixe et stable VB sur la base de notre transistor. Quelle est la valeur de la tension de l'émetteur ? 

VE = VB –VBE 

Les tensions notées VE, VB, sont les tensions mesurées sur l'électrode considérée du transistor par rapport à la masse. 

Nous avons affaire à une jonction, qui comme on le sait produit quel que soit le courant qui la traverse une chute de tension de 0.7 V. Ce sera une constante. Calculons le courant d'émetteur (ce qui revient à calculer le courant de collecteur). 

          VE

IE = -------------

          RE 

Ou 

       VB – VBE

IE = ------------------

           RE 

Nous retiendrons que c'est la résistance d'émetteur qui règle le courant de collecteur 

Comment est-ce possible ?

Nous avons sur la base une tension dictée par le pont diviseur R1, R2. Sur l'émetteur, nous retrouvons cette tension diminuée de VBE soit inférieure de 0,7V (c'est une diode).  

Le courant IE = IC + IB, négligeons IB qui est de toute façon très petit, on peut approximativement dire que IC = IE. Appliquons la loi d'Ohm pour la résistance d'émetteur :  

IE = VRE / RE soit: IE = VE / RE 

C'est bien RE qui règle le courant de collecteur. 

Quelques règles simples à respecter sur ce type de montage : 

Ce n'est pas très scientifique et s'apparente plus à des recettes de cuisines toutefois respectez ceci: 

- La chute de tension aux bornes de RE pour avoir une bonne stabilisation doit être de un dixième de la tension d'alimentation environ. 

- Le courant dans le pont de base doit être au moins 10 fois supérieur au courant de base. Si ce n'était pas le cas, le courant de base ferait trop chuter la tension VB. 

Application numérique :

 

La tension d'alimentation est de 30V. Nous allons nous attacher à calculer toutes les tensions et tous les courants de ce montage. 

1 - Calculons la tension délivrée par le pont résistif R1, R2

Nous savons que : 

   R2

VB = ------------------ VCC

R1 + R2 

Ce qui donne 

  1

VB = ------------- x 30 = 3.85 V

7.8 

2 - Calculons la tension présente sur l'émetteur du transistor 

VE = VB – VBE

VE = 3.85 - 0,7 = 3.15 V 

3 - Calculons le courant d'émetteur qui sera égal au courant collecteur 

IE = VRE / RE

IE = VE / RE

IE = 3.15 / 750 = 4.2mA

Le courant collecteur étant à IB près égal à IE 

4 - Calculons la chute de tension aux bornes de la résistance de collecteur 

VRC = RC IC

On prendra IC = IE

VRC = 3000 X 0.0042 = 12.6V 

5 - Calculons VCE 

VCE= VCC – RC IC – RE IE

VCE = 30 – 12.6 – 3.15 = 14.25 V 

6 - Notre point de repos est positionné comme suit : 

IC = 4.2 mA

VCE = 14.25 V 

7 - Dessinons notre droite de charge en déterminant les deux points caractéristiques  

Équation globale de collecteur : 

VCC - (RC IC + VCE + RE IE) = 0 

Courant de saturation 

Quand VCE = 0, IC = VCC/ (RC + RE)

IC = 30 / 37500 = 8 mA 

Quand IC = 0 VCE = VCC soit 30V

 

On constate que notre transistor est bien polarisé, le point de repos sur la droite de charge est positionné presque au milieu. 

Pour conclure ce chapitre sur la polarisation, retenez ce qui suit.

Quand vous serez devant un montage récalcitrant, et si vous avez affaire à la classique polarisation par pont diviseur, commencez par mesurer la tension aux bornes de la résistance d'émetteur. 

Deux cas sont possibles:

- Il n'y a rien et le transistor ne débite pas, cherchez pourquoi (manque de tension, transistor ouvert etc.)

- Vous lisez une tension, alors divisez-la par la résistance d'émetteur, vous aurez plus qu'une bonne idée du courant qui circule. En amplification de puissance, vous verrez un autre système de polarisation (à priori), car on ne pourra plus se permettre de perdre de la puissance dans différentes résistances. Sachez toutefois que le principe restera le même, et que l'objectif final sera toujours de rendre linéaire l'amplification du transistor. 

Exercice : Calcul des différents éléments (RC, RE, R1 et R2) avec le transistor 2N3904 

Données :

1/ On se fixe IC de façon à être loin de la puissance maximale dissipée par le transistor 

PD MAX                    500 mW

Puissance choisie = --------------- = --------------- = 50 mW

  10                        10

 

    Vcc              12

VCE (milieu de la droite de charge) = --------- =   --------- = 6 V

      2               2

 

   P          50 mW

IC =     ------ =  ----------- = 8.3 mA

VCE              6V

 

2/ On utilise la règle du dixième qui consiste à fixer VE au dixième de Vcc soit : 

Vcc          12

VE = -------- = -------- = 1.2 V

            10            10 

3/ On calcule RC et RE

VRC = Vcc - VCE - VE = 12 - 6 - 1.2 = 4.8 Volts 

VRC = RC x IC è RC = VRC / IC = 4.8 / 8.3 x 10-3 = 578 W (560 W normalisée) 

b = 200 è Ic = IE 

VE = RE IE è RE = VE / IE = VE / IC = 1.2 / 8.3 x 10-3 = 145 W (150 W normalisée) 

4/ On calcule R1 et R2

Pour que le courant IC soit stable, il faut que RTH = 0.01 b RE = 0.01 x 200 x 150 = 300 

300 = R1 x R2 / (R1+R2

IR1 doit être grand devant IB è IR1 = IR2 è (V1 / R1) = (V2 / R2) 

V2 = RE IC + VBE = 1.2 + 0.7 = 1.9 volts 

V1 = Vcc - V2 = 12 - 1.9 = 10.1 volts 

 R1        V1        10.1

----- = ------- = -------- = 5.32 volts     è  R1 = 5.32 x R2 

 R2        V2        1.9 

R1 = 5.32 x R2 (1) 

 R1 x R2

----------- = 300         (2)

R1 + R2

 

5.32 R2 x R2       5.32 R2 R2

---------------  =  ---------------- = 300 è

5.32 R2 + R2        6.32 R2

= 5.32 R2 = 300 x 6.32 d’où R2 = 300 x 6.32 / 5.32 = 356W 

R2 = 345 W (360 W normalisée) 

R1 = 5.32 R2 = 5.32 x 360 = 1.9 KW (2 KW normalisée)

 

6.      Polarisation par source de courant

 

 

L'utilisation d'une source à courant constant pour polariser un transistor est certainement une des façons les plus sûres pour obtenir un point de polarisation Q au centre de la droite de charge puisque la source de courant assure un courant de polarisation IC constant dans le transistor Q1 (voir figure ci-dessus), indépendamment des variations de la valeur de son gain en courant (Bêta). Ici le transistor Q1 sert de charge pour la source de courant. 

La diode zener stabilise la tension à 5.1 volts, VB2 = -15 + 5.5 = -9.9 volts

La tension à l’émetteur de Q2 est alors VE2 = VB2 - 0.7 = -9.9 - 0.7 = -10.6 volts.

La tension aux bornes de la résistance RE2 est : VRE2 = -10.6 –(-15) = 4.4 volts. Cette tension est fixe et stable. Le courant d’émetteur de Q2 est aussi stable et égal à : IE2 =4.4/120 =37mA

Si on considère un transistor ayant un b supérieur à 50, Le courant IC2 est égal à IE2 . Comme IC2 =IE1 , alors IC1=IE2. Le courant de collecteur du transistor Q1 est indépendant de b1. C’est la source de courant formée de DZ, de Q2 et de RE2 qui le détermine.